Nous
découvrons le domaine Jo Pithon au bout d’un petit quart d’heure
d’un itinéraire sinueux et vallonné au lieu-dit « les
Bergères ». C’est une propriété récente,
construite en 1998, constituée d’un petit bâtiment flanquant
un entrepôt édifié au-dessus de la nouvelle cave. Jo
Pithon est un personnage corpulent, truculent, haut en couleurs, qu’on
pourrait imaginer sorti d’une œuvre de Rabelais. Il nous reçoit
dans cette nouvelle cave. Il arpente ses rangées de tonneaux, les
inspecte, les renifle, les écoute. Nous restons sur ses talons.
Soudain, il plonge sa pipette en verre de 50 cm dans l’un des tonneaux,
en tire un ou deux décilitres d’un liquide doré et un peu
trouble et le répartit dans des verres à dégustation
qu’il nous tend. Chacun fait tourner le liquide, observe, hume, goûte,
mâche, s’imprègne, avale une petite gorgée, soupire.
Les questions fusent :
- c’est quoi le cépage
? - du chenin uniquement.
- la production ? - toute
une palette de vins : secs, moelleux, liquoreux.
- combien en faites-vous
? - notre volume total annuel est de 220 hectolitres sur 9 hectares.
- tiens, le bouchon de ce
tonneau est en verre alors que celui-là est en plastique silicone
- ça dépend du vin, selon la demande en oxygène
on effectue un bouchage plus ou moins hermétique : le plastique
souple est pour les vins secs, le verre pour les vins liquoreux.
- pourquoi celui-ci est-il
trouble ? - c’est un vin qui n’a pas encore fini de travailler.
En effet, en approchant l’oreille de l’orifice supérieur du tonneau,
on entend distinctement le bouillonnement.
-
tiens, ce tonneau porte un tampon «chêne russe». C’est
géographique ? - oui, le bois provient effectivement de Russie.
S’ensuit une discussion
sur l’origine et la qualité des bois de tonneau et sur l’âge
des fûts qui doit être en rapport avec celui du vin.
Nous échantillonons
le contenu des tonneaux, soit successivement :
- un Anjou Bergère,
sec, acide, fruité. La température de la cave, 10°C,
correspond à la bonne température de dégustation
- un Anjou blanc,
sec, un peu plus dru que le Bergère, reposé sur lies (dépôt
de quelques centimètres au fond du fût, composé de
levures mortes et qui donne du « gras » au vin)
- un Coteau du Layon
Beaulieu, moelleux, 17°, encore trouble.
- un Clos des Bois,
20°, trouble, en cours de fermentation, état actuel : 10°.
Quand on parle du degré d’un vin, on prend en compte la somme de
son titre alcoolique et de son taux de sucre, sachant que 17 g de sucre
par litre équivalent à 1° d’alcool. Les vins liquoreux
peuvent donc avoir un degré élevé sans être
surchargés d’alcool. La chaptalisation, tolérée en
France, permet de gagner jusqu’à 2,5° mais rend le vin «
pâteux ». Elle est bien entendu rejetée par les producteurs
de très grands vins.
- un Clos des Bonnes
Blanches, liquoreux, qui a ravi tout le monde
- un Quart de Chaume,
liquoreux 22°, dont les arômes complexes et la bouche harmonieuse
le classent parmi les très grands vins, mais avec aussi un prix
à l’avenant.
Tout cela nous mène
à l’heure du déjeuner, un pique-nique dans la salle de dégustation
où Jo Pithon a rassemblé une petite collection de vins d’origines
diverses. Pour accompagner nos victuailles, dont un excellent foie gras
maison, Jo nous verse un Clos des Bonnes Blanches 1999.
La profession de foi de
Jo Pithon :
Notre domaine de 10 hectares
est situé en Anjou dans la vallée de la Loire. Un seul cépage
: le chenin. Nous produisons une palette de vins secs, moelleux et liquoreux
sur différents terroirs et appellations.
Dans les vignes nous
travaillons en culture biologique (Qualité France), travail du sol,
traitement soufre et bouillie bordelaise, taille courte, épamprage,
effeuillage manuel pour une bonne ventilation des raisins, vendanges en
plusieurs tris aussi bien pour les secs que pour les liquoreux.
Nous voulons des vins
« natures », ils ne sont ni levurés ni chaptalisés.
Nous voulons respecter au maximum la valeur de chaque millésime
tel que l'année nous l'a donné. Les sucres résiduels
sont la conséquence de la botrytisation et/ou du passerillage, et
de notre travail dans les vignes. Notre motivation n'est pas la chasse
au sucre mais la recherche d'arômes et de saveurs issus du botrytis,
c'est ça la magie des liquoreux. Tous nos vins sont élevés
en barriques pendant 12 à 18 mois.
