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Les vins de l'Hérault La Jasse Castel |
Voyage
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Pascale et Laurent MARCILLAUD
Vente à Paris : Caves Taillevent, 199 rue du Faubourg Saint-Honoré 8e, 01 45 61 14 09Le 3 bis rue des Écoles à Montpeyroux est une maison au bout d’un long et étroit boyau, que nous avons eu quelque mal à trouver, après avoir pas mal tourné en rond dans le village et être passés plusieurs fois devant, sans le voir. Une fois là, nous apprenons que Pascale Marcillaud nous attend à la cave, qui se trouve à l’autre bout du village : la journée commence avec retard ! La cave est un vieux garage avec une immense porte métallique. Le témoignage de Pascale est celui que je préfère, d’abord parce que c’est celui d’une femme : si les entreprises de vignerons indépendants sont très souvent des affaires de couples, il est exceptionnel que la femme soit en première ligne face aux visiteurs, ensuite parce que c’est le plus complet, le plus descriptif du métier de vigneron, ses grandeurs et ses incertitudes, le plus riche d’émotion : les propos des hommes étaient volontiers elliptiques, cahoteux, et un peu confus.
La cave. On est assez contents d’avoir trouvé ce lieu. Ce n’est pas très esthétique à regarder, parce que, d’abord, ce n’est pas construit de neuf et puis parce que c’était un garage. On a fait de bric et de broc, comme on a pu. Le petit pressoir que vous voyez au fond est un cadeau de ma mère, avec lequel nous avons fait notre premier blanc. Tous les pressoirs sont construits sur le même modèle, sauf qu’aujourd’hui on fait des cages en fibre de verre. Ensuite, on a acheté nos cuves. Ce sont des cuves en polyester, ce qui présente deux avantages : 1) on voit à travers : on sait où s’arrête la vendange, on voit la fermentation, 2) elles sont légères : on peut les bouger comme on veut. Comme ici, c’est une cave, on va évoluer au fil des années, et, à deux, on peut les bouger, ce qu’on n’aurait pas pu faire avec des cuves en béton ou en inox. Toute la vendange est ramassée
à la main, en caissettes, on la ramène sur notre 504 plateau,
on la vide dans l’érafloir et, avec une pompe, on envoie la vendange
dans chaque cuve. On fait actuellement 3 rouges et 1 rosé et plus
de blanc. Il y a des barriques, là
derrière, en plus de celles que vous avez vues à l’entrée.
C’est donc assez simple comme cave, il y a tout ce qu’il faut pour travailler.
On n’est pas des fanas de technologie. On fait notre vin d’une façon
assez simple, sans rien ajouter dedans, par contre on fait comme les bons
vignerons : on vendange à la main, on érafle,
on ne levure pas quand on encuve le raisin, nous laissons faire les levures
qui se trouvent sur la peau du raisin, levures naturelles qui se trouvent
dans les vignes, sauf pour le rosé, qui nécessite une vinification
particulière. Caché là-bas au fond, il y a un drapeau,
une pièce en inox dans laquelle circule de l’eau. On entre de l’eau
froide, il en ressort une eau plus tiède, on le met dans les cuves
lorsqu ‘elles risquent de trop monter en température pendant la
fermentation. On contrôle donc la température. Dans les caves
modernes, c’est très design, il y a des serpentins dans les cuves,
c’est contrôlé par ordinateur. Nous, c’est manuel, on attrape
l’engin et on le plonge dans la cuve.
La seconde manière de faire le rosé est le pressurage direct : le raisin utilisé est uniquement destiné à faire du rosé. On peut alors contrôler les caractéristiques du vin : le degré, etc. Mais dans le midi, il y a des vins puissants en alcool. Cela correspond à notre terroir, on n’est ni en Alsace, ni en Bourgogne, on ne peut pas faire des vins légers, à moins de faire des vins un peu dilués, qui n’arrivent pas à réelle maturité. Alors, c’est vrai : on dit que les vins du midi cartonnent, mais ici, le soleil cartonne aussi, les terroirs sont chauds. En 2002, on a un peu moins de degré qu’en 2001, où il n’y avait rien en dessous de 14 ou 15°. On a vendangé fin août en 2001, alors qu’on avait tout préparé pour début septembre. Le 30 août, on a fait un prélèvement dans les vignes, il a fallu s’y mettre tout de suite ! Pour l’embouteillage, on
fait venir un camion ici, sur la grande plate-forme, il nous fait la mise
en bouteilles, ça rentre d’un côté et ça sort
de l’autre en bouteilles et cartons, du travail à la chaîne
!
L’ébourgeonnage consiste
à enlever à la main ou au sécateur tous les petits
rejets qui sont sur le pied mais aussi sur la souche qu’ils fatiguent pour
rien et qui, sinon, concurrenceraient les grappes qu’on veut garder. Comme
pour tous les travaux de la vigne, il y a un moment pour le faire. On dispose
d’une semaine ou, tout au plus, de 15 jours. Ou bien on prend des équipes
de 30 personnes et on fait tout dans la semaine, ou bien, à 20,
on commence au doigt, puis on passe au sécateur pour les bourgeons
qui ont eu le temps de grossir.
Il y a différentes façons de conduire la vigne, dont la plus typique, en Languedoc, est le gobelet, auquel on revient de plus en plus, même pour la syrah. On prend un pied, on ne le monte pas trop haut, on laisse 3 ou 4 petits coursons de départ et on les monte en forme de main. Le gobelet peut être palissé : à 40 cm au-dessus du gobelet, on dispose une paire de fils releveurs, 1 fil de chaque côté, qui permettent de relever la végétation. Puis, 40 cm plus haut, on en met une deuxième paire, voire une troisième, ou un fil à vrilles, ce qui donne une hauteur de feuillage élevée. Plus il y a de feuilles, plus l’activité photosynthétique est intense et plus le raisin est sucré. On garde donc un maximum de surface foliaire. La deuxième taille est la Royat . On monte la souche davantage, on prend deux bras, qu’on monte sur un fil porteur qu’on ne bougera jamais. L’avantage est que la végétation est étalée. L’inconvénient est que si la vigne est mal taillée, on fait des clés de taille sur chaque bras, provoquant à chaque fois un cône de déssèchement qui entrave le passage de la sève. On revient donc au gobelet, qui est très bas, ce qui est bon pour la souche, car les sarments peuvent monter d’autant plus en hauteur sans craindre le vent et sans allongement excessif du parcours de la sève. Comme il n’y a pas à se soucier du gel, les souches n’ont pas besoin d’être très hautes comme en Alsace. Le cinsaut donne des baies petites, sur de très jolies grappes, dont une sur 4 ou 5 est souvent en train de se passeriller, ce qui donne un goût très agréable. Contrairement aux autres (syrah, grenache, carignan), le cinsaut est bon à manger. Cette année, on ajoute un peu de syrah et de grenache pour l’arrondir et l’assouplir un peu, car il est à 14,7°. Ici, il est indiqué 13,5°, mais il arrive qu’on triche un peu sur les étiquettes ; on a droit à 0,5° de marge d’erreur. Ce sont des vins puissants et chaleureux, mais il faut éviter d’atteindre le stade suivant : le brûlant, parce qu’alors vous ne sentirez plus que l’alcool. C’est un vin de l’année, on peut le boire frais : tous les arômes sont conservés. Il a été collé au blanc d’œuf fait à partir d’œufs bio que je casse moi-même. Les jaunes ? On en fait des crèmes anglaises ! on en mange pendant une semaine et on régale tous les voisins !
La Jasse 2001. Voilà
un vin qu’il aurait fallu carafer avant de le servir.
On voulait faire un 100%
syrah, mais on n’a pas eu droit au cépage unique pour ce vin parce
qu’au niveau encépagement, il faut au moins 50 à 60 % de
syrah ou de grenache pour pouvoir faire un 100%.
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Ce qu’il y a
de bien et d’angoissant, dans ce métier, c’est qu’on a un travail
titanesque pour arriver à bien faire et au dernier moment, ce n’est
jamais nous qui décidons. Grêle ou pluie juste avant les vendanges,
un coup de froid au moment de la floraison et donc beaucoup moins de sortie
de raisin, les maladies, il y a toujours quelque chose de plus fort que
nous. Quelle leçon de modestie !
Le vin, quand on dit que ça vit, c’est vrai. Il y a des périodes, après la vinification, quand on goûte nos vins, on se dit qu’on va changer de métier. Et deux mois plus tard, on regoûte, on se dit qu ‘on a bien fait de rester vigneron ! |