Les vins de l'Hérault
 La Jasse Castel


 

Voyage
La Jasse Castel
Domaine d’Aupilhac
Mas de la Seranne
Coop. de Cabrières
Mas des Chimères
Domaine Rimbert
Domaine Navarre
Domaine de Granoupiac

Glossaire

C.A.V.E.

Pascale et Laurent MARCILLAUD
3 bis rue des Écoles, 34150 MONTPEYROUX, 04 67 88 65 27
7,3 ha (syrah : 4,05 - grenache : 1,75 – carignan: 0,4 – cinsaut: 1,1)
24 000 bouteilles AOC Coteaux du Languedoc
1. rosé Rosé 2002, 13,5° carignan noir et blanc, syrah, grenache
2. rouge  Les Intillières 2002 13° 40% cinsaut, 30% grenache, 30% syrah. Élevage en cuves
3. rouge  La Font du Griffe 2001 14° 1/3 syrah/grenache/cinsaut, prêt à boire
4. rouge La Jasse 2001 14° 80% syrah, 20% grenache. Élevage moitié en cuve, moitié en barriques, 12 mois

Vente à Paris :

Caves Taillevent, 199 rue du Faubourg Saint-Honoré 8e, 01 45 61 14 09
Café le Passage, 12 rue de Charonne 11e  01 49 29 97 64
Avant Goût Côté Cellier, 37 rue Bobillot 13e  01 45 81 14 06
Le 3 bis rue des Écoles à Montpeyroux est une maison au bout d’un long et étroit boyau, que nous avons eu quelque mal à trouver, après avoir pas mal tourné en rond dans le village et être passés plusieurs fois devant, sans le voir. Une fois là, nous apprenons que Pascale Marcillaud nous attend à la cave, qui se trouve à l’autre bout du village : la journée commence avec retard ! La cave est un vieux garage avec une immense porte métallique.
Le témoignage de Pascale est celui que je préfère, d’abord parce que c’est celui d’une femme : si les entreprises de vignerons indépendants sont très souvent des affaires de couples, il est exceptionnel que la femme soit en première ligne face aux visiteurs, ensuite parce que c’est le plus complet, le plus descriptif du métier de vigneron, ses grandeurs et ses incertitudes, le plus riche d’émotion : les propos des hommes étaient volontiers elliptiques, cahoteux, et un peu confus.

Pascale MARCILLAUDUn jour, on s’est dit : qu’est-ce qu’on fait ?
Devient-on cavistes à notre compte ou devient-on vignerons ? Autant aller directement aux racines. Au départ, on n’avait rien, une petite maison dans la banlieue de Montpellier, qu’on a vendue, et, grâce à un petit soutien financier de nos parents et beaux-parents, on a commencé avec peu et aujourd’hui on a 7,5 ha de vignes à nous et une maison et une cave en location. Donc : c’est l’aventure ! Des vignes, on en a à Montpeyroux et en dehors de Montpeyroux. Les premières, on les a achetées sur le Causse, au pied du mont Saint-Baudille, qui sont les plus hautes de Montpeyroux (1,5 ha, moitié syrah, moitié grenache), des vignes de 20 ans, achetées à des coopérateurs et pas en très bon état, qu’on a retapées. Ensuite, on a acheté 1,1 ha de cinsaut au pied d’Arboras qui est un petit village à flanc de colline, et on a un petit morceau de carignan en allant vers Saint-Jean de Fos. Enfin, on a acheté 2,8 ha de syrah en allant vers Saint-Jean de Fos, sur un terrain un peu plus lourd, moins caillouteux que ce qu’on a là haut. Là haut, c’est le bout du monde, il y a des cailloux, de la lavande, des genêts, du romarin et du thym, des perdreaux, des sangliers, mais rien d’autre. D’ailleurs, si vous voulez venir chasser le sanglier, vous êtes les bienvenus. Ils nous ont mangé l’équivalent de 9 hectolitres (sur 189) en 2001.

La cave. On est assez contents d’avoir trouvé ce lieu. Ce n’est pas très esthétique à regarder, parce que, d’abord, ce n’est pas construit de neuf et puis parce que c’était un garage. On a fait de bric et de broc, comme on a pu. Le petit pressoir que vous voyez au fond est un cadeau de ma mère, avec lequel nous avons fait notre premier blanc. Tous les pressoirs sont construits sur le même modèle, sauf qu’aujourd’hui on fait des cages en fibre de verre. Ensuite, on a acheté nos cuves. Ce sont des cuves en polyester, ce qui présente deux avantages : 1) on voit à travers : on sait où s’arrête la vendange, on voit la fermentation, 2) elles sont légères : on peut les bouger comme on veut. Comme ici, c’est une cave, on va évoluer au fil des années, et, à deux, on peut les bouger, ce qu’on n’aurait pas pu faire avec des cuves en béton ou en inox.

Toute la vendange est ramassée à la main, en caissettes, on la ramène sur notre 504 plateau, on la vide dans l’érafloir et, avec une pompe, on envoie la vendange dans chaque cuve. On fait actuellement 3 rouges et 1 rosé et plus de blanc. Il y a des barriques, là derrière, en plus de celles que vous avez vues à l’entrée. C’est donc assez simple comme cave, il y a tout ce qu’il faut pour travailler. On n’est pas des fanas de technologie. On fait notre vin d’une façon assez simple, sans rien ajouter dedans, par contre on fait comme les bons vignerons : on vendange à la main, on érafle, on ne levure pas quand on encuve le raisin, nous laissons faire les levures qui se trouvent sur la peau du raisin, levures naturelles qui se trouvent dans les vignes, sauf pour le rosé, qui nécessite une vinification particulière. Caché là-bas au fond, il y a un drapeau, une pièce en inox dans laquelle circule de l’eau. On entre de l’eau froide, il en ressort une eau plus tiède, on le met dans les cuves lorsqu ‘elles risquent de trop monter en température pendant la fermentation. On contrôle donc la température. Dans les caves modernes, c’est très design, il y a des serpentins dans les cuves, c’est contrôlé par ordinateur. Nous, c’est manuel, on attrape l’engin et on le plonge dans la cuve.
On a 7,5 ha, on fait 24 000 bouteilles, c’est donc une petite cave – ou une grande cuisine ! Tout est fait ici. Pendant la fermentation, ça peut monter à 35 – 38 °C, parfois plus, mais alors, c’est dangereux. Le jeu, c’est justement de flirter avec la chaleur la plus poussée possible pour extraire au maximum, sans atteindre les 38 – 40 °C qui risquent d’arrêter la fermentation. Pendant une fermentation, on ne dort guère, on se lève plusieurs fois par nuit, on contrôle que ça ne monte pas trop. Si on n’était pas sur une rue passante, on pourrait laisser la cave ouverte, on aurait la fraîcheur de la nuit, mais ici il y a beaucoup de vols, des risques, donc on ferme tout.
Là, le reste de nos barriques, et ici, on stocke notre vin. Ici, vous voyez ce qui reste, on a fait la mise en bouteilles fin mars, mais presque tout le vin est parti, le peu qui reste est pour l’export : Belgique, Hollande. On a eu de la chance, on est tombé à une époque où les vins du Languedoc marchaient bien, nos vins ont plu, ils sont pratiquement toujours prévendus. Chaque année, j’en garde un peu plus pour ne pas décevoir les clients qui viennent à la cave.

Notre rosé 2002 est un rosé de saignée, assemblé avec de la syrah, du grenache, du carignan, mais pas de cinsaut.
La saignée est la première manière de faire le rosé. Lorsqu’on encuve le rouge, on attend 5 à 6 heures que le jus prenne un peu de couleur. On en fait couler régulièrement un peu pour voir sa couleur et, quand elle nous plaît (un peu plus foncée que le vin, parce qu’il y a un peu de perte de couleur à la fermentation), ainsi que le goût, on en fait couler une certaine quantité qu’on vinifie en rosé. On met ce jus en cuve et on le levure parce que le rosé doit fermenter à froid : on utilise le drapeau pour faire descendre sa température à 8 – 10 °C, d’abord pour le débourber et ensuite pour le faire fermenter à froid pour qu’il garde tous ses arômes primaires.
Quand un vin fermente à froid, il garde tous ses arômes de fruits, alors qu’à chaud, il acquiert des arômes secondaires : de thym, de romarin, d’olive, animaux. Celui que vous buvez n’est pas très frais pour vous permettre de mieux évaluer les arômes. Par contre, pour le boire à l’apéritif ou sur un plat, il vaut mieux le servir frais.
Il a une robe légèrement orangée, une couleur assez soutenue. J’aime bien les rosés qui ont un peu de couleur, un peu de matière. Je viens d’ouvrir la bouteille, il faut donc l’aérer un peu. Le premier nez montre des arômes de framboises, de fraises. C’est un rosé d’apéritif, mais de bonne tenue sur des plats épicés, chinois ou ratatouille. Nous, dans le midi, buvons beaucoup de rosé, certainement plus qu’à Paris. Ici, il fait une telle chaleur qu’on a toujours une bouteille au frais.

La seconde manière de faire le rosé est le pressurage direct : le raisin utilisé est uniquement destiné à faire du rosé. On peut alors contrôler les caractéristiques du vin : le degré, etc. Mais dans le midi, il y a des vins puissants en alcool. Cela correspond à notre terroir, on n’est ni en Alsace, ni en Bourgogne, on ne peut pas faire des vins légers, à moins de faire des vins un peu dilués, qui n’arrivent pas à réelle maturité. Alors, c’est vrai : on dit que les vins du midi cartonnent, mais ici, le soleil cartonne aussi, les terroirs sont chauds. En 2002, on a un peu moins de degré qu’en 2001, où il n’y avait rien en dessous de 14 ou 15°. On a vendangé fin août en 2001, alors qu’on avait tout préparé pour début septembre. Le 30 août, on a fait un prélèvement dans les vignes, il a fallu s’y mettre tout de suite !

Pour l’embouteillage, on fait venir un camion ici, sur la grande plate-forme, il nous fait la mise en bouteilles, ça rentre d’un côté et ça sort de l’autre en bouteilles et cartons, du travail à la chaîne !
On n’ajoute rien à la mise en bouteilles. On évite de filtrer, sauf le rosé et les Intillières, parce que ce sont des vins de l’année. On sulfite – le moins possible, de l’ordre de la moitié ou du tiers des doses recommandées par les œnologues, – pour éviter, en cours de transport, le risque de redémarrage de fermentation en bouteille. Nous n’avons pas les moyens financiers de traiter des retours de bouteilles, de les déboucher une par une, de les remettre en cuve et de refaire la mise en bouteilles. Le sulfitage se fait pendant la vinification.

Les IntillièresLes Intillières, c’est le nom de la parcelle de cinsaut (assemblage : majorité de cinsaut, de la syrah, du grenache). C’est un superbe cépage. Il faut beaucoup l’ébourgeonner au pied, faire des vendanges en vert si nécessaire et tailler court. Et surtout, il faut le ramasser au bon moment, parce que c’est un cépage élastique, c’est-à-dire que s’il pleut au moment de son arrivée à maturité, il gonfle et la peau éclate. Donc, c’est un cépage à risque, risque que nous pouvons prendre parce que nous n’avons pas beaucoup de vignes, qu’on sait que c’est presque toujours lui qu’on ramasse en premier et que nous serons disponibles.

L’ébourgeonnage consiste à enlever à la main ou au sécateur tous les petits rejets qui sont sur le pied mais aussi sur la souche qu’ils fatiguent pour rien et qui, sinon, concurrenceraient les grappes qu’on veut garder. Comme pour tous les travaux de la vigne, il y a un moment pour le faire. On dispose d’une semaine ou, tout au plus, de 15 jours. Ou bien on prend des équipes de 30 personnes et on fait tout dans la semaine, ou bien, à 20, on commence au doigt, puis on passe au sécateur pour les bourgeons qui ont eu le temps de grossir.
On commence aussi le palissage. Selon leur variété, les cépages ont un port différent : retombant (syrah) ou dressé (grenache, carignan).

Il y a différentes façons de conduire la vigne, dont la plus typique, en Languedoc, est le gobelet, auquel on revient de plus en plus, même pour la syrah. On prend un pied, on ne le monte pas trop haut, on laisse 3 ou 4 petits coursons de départ et on les monte en forme de main. Le gobelet peut être palissé : à 40 cm au-dessus du gobelet, on dispose une paire de fils releveurs, 1 fil de chaque côté, qui permettent de relever la végétation. Puis, 40 cm plus haut, on en met une deuxième paire, voire une troisième, ou un fil à vrilles, ce qui donne une hauteur de feuillage élevée. Plus il y a de feuilles, plus l’activité photosynthétique est intense et plus le raisin est sucré. On garde donc un maximum de surface foliaire.

La deuxième taille est la Royat . On monte la souche davantage, on prend deux bras, qu’on monte sur un fil porteur qu’on ne bougera jamais. L’avantage est que la végétation est étalée. L’inconvénient est que si la vigne est mal taillée, on fait des clés de taille sur chaque bras, provoquant à chaque fois un cône de déssèchement qui entrave le passage de la sève. On revient donc au gobelet, qui est très bas, ce qui est bon pour la souche, car les sarments peuvent monter d’autant plus en hauteur sans craindre le vent et sans allongement excessif du parcours de la sève. Comme il n’y a pas à se soucier du gel, les souches n’ont pas besoin d’être très hautes comme en Alsace.

Le cinsaut donne des baies petites, sur de très jolies grappes, dont une sur 4 ou 5 est souvent en train de se passeriller, ce qui donne un goût très agréable. Contrairement aux autres (syrah, grenache, carignan), le cinsaut est bon à manger.

Cette année, on ajoute un peu de syrah et de grenache pour l’arrondir et l’assouplir un peu, car il est à 14,7°. Ici, il est indiqué 13,5°, mais il arrive qu’on triche un peu sur les étiquettes ; on a droit à 0,5° de marge d’erreur. Ce sont des vins puissants et chaleureux, mais il faut éviter d’atteindre le stade suivant : le brûlant, parce qu’alors vous ne sentirez plus que l’alcool. C’est un vin de l’année, on peut le boire frais : tous les arômes sont conservés. Il a été collé au blanc d’œuf fait à partir d’œufs bio que je casse moi-même. Les jaunes ? On en fait des crèmes anglaises ! on en mange pendant une semaine et on régale tous les voisins !

La Font du GriffeLa Font du Griffe : c’est le lieu-dit, là haut. C’est le nom qu’on voulait donner à notre domaine quand on s’est installés, mais c’était déjà pris, en particulier par une dame qui fait du fromage de chèvre. On l’a donc appelé la Jasse Castel. La Jasse, c’est la bergerie, il y en a une très jolie sur nos vignes, là haut, Castel est le nom du propriétaire des vignes au 17e siècle, ça fait château !
Il est très concentré, c’est caractéristique pour le millésime 2001 en Languedoc. C’est un assemblage : syrah, grenache, cinsaut, un tiers de chaque. Il est élevé en cuve. Il a un côté cuir animal, puis on passe aux épices et aux fruits rouges. Les tanins sont fondus, il a vieilli en bouteille, il s’est arrondi. C’est un défi de faire du vin de garde sans passer par la barrique. Avec mon mari, on n’est pas trop amateurs de vins où la barrique est trop présente. Vous verrez avec la Jasse, on prend des barriques de deux vins, pas du bois neuf. C’est rare, même dans le Bordelais, qu’on mette tout dans du bois neuf. En général, c’est un tiers de neuf, un tiers de deux vins et un tiers de trois vins.

La Jasse 2001. Voilà un vin qu’il aurait fallu carafer avant de le servir.
Les tanins sont jeunes, mais néanmoins assez ronds, pas agressifs. Pour qu’il ne soit pas trop boisé, on n’en met que la moitié en barriques de deux vins, l’autre moitié est élevée en cuve. On passe en barrique la syrah que nous avons en terrain argileux, qui est lourde, assez épicée et qui tient bien la barrique.

On voulait faire un 100% syrah, mais on n’a pas eu droit au cépage unique pour ce vin parce qu’au niveau encépagement, il faut au moins 50 à 60 % de syrah ou de grenache pour pouvoir faire un 100%.
Quand on commence à être reconnu pour son vin, l’AOC n’est plus très utile. On fait le choix d’une manière philosophique : je suis pour l’INAO, pour les AOC, parce que ce sont des vins français, choix politique. Au niveau commercial pur et dur, si je supprime du jour au lendemain la mention AOC sur mes bouteilles, personne ne s’en aperçoit et tout le monde s’en moque, à commencer par mes cavistes français. Tout n’étant pas clair à l’INAO, ni dans les syndicats, il n’est pas exclu, et nous y pensons sérieusement, qu’il y ait une rébellion des vignerons parce que que vous avez des vins en AOC que je ne boirais pas !

Ce qu’il y a de bien et d’angoissant, dans ce métier, c’est qu’on a un travail titanesque pour arriver à bien faire et au dernier moment, ce n’est jamais nous qui décidons. Grêle ou pluie juste avant les vendanges, un coup de froid au moment de la floraison et donc beaucoup moins de sortie de raisin, les maladies, il y a toujours quelque chose de plus fort que nous. Quelle leçon de modestie !
Le vin, quand on dit que ça vit, c’est vrai. Il y a des périodes, après la vinification, quand on goûte nos vins, on se dit qu’on va changer de métier. Et deux mois plus tard, on regoûte, on se dit qu ‘on a bien fait de rester vigneron !